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Bénin : La marche vers l’éducation inclusive

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Education inclusive : Le Concept

Il difficile de parler du concept de l’éducation inclusive (EI) dans nos pays sans le relier au principe de l’éducation pour tous (EPT). L’éducation inclusive se réfère au droit universel de tous les enfants d’aller à l’école[1]. L’éducation inclusive signifie que tous les enfants, quels qu’ils soient, peuvent apprendre ensemble dans la même école. « L’éducation inclusive vise à identifier et à minimiser les obstacles à l’apprentissage. Il est plus large que l’enseignement formel et inclut le foyer et la communauté. Il s’agit donc de changer les attitudes, les comportements, les méthodes d’enseignement, les programmes d’études et l’environnement pour répondre aux besoins de tous les enfants. En fait, l’inclusion est un processus dynamique qui évolue constamment en fonction des cultures locales et fait partie de la stratégie plus large visant à promouvoir une société inclusive » (L’Education inclusive dans les pays à faibles revenus,…). Elle consiste donc « à fournir des opportunités d’apprentissage – de qualité, pertinentes, formelles et informelles – à tous les apprenants au sein d’un système scolaire régulier, d’adaptant à tous les enfants[2]. Selon les Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation de l’UNESCO (« Éliminer l’exclusion face à la diversité »,) l’éducation inclusive suppose la transformation et la modification des contenus, des approches, des structures et des stratégies, avec une vision commune qui englobe tous les enfants de toute tranche d’âge, et la conviction qu’il est de la responsabilité du système éducatif général d’éduquer tous les enfants. 

Les engagements du Bénin au regard des orientations internationales

« L’éducation inclusive est un droit humain et une fin en soi, mais elle présente aussi des avantages pour l’économie et la société » (Costing Equity : pour un financement de l’éducation adapté aux besoins des Personnes handicapées, IDDC et Light For The Word, 2016).  Et le gouvernement béninois, avec le soutien et la pression de divers acteurs, s’y emploie avec la prise de mesures diverses. Toutefois le chemin est encore long pour parvenir la mise œuvre adéquate de l’approche d’éducation inclusive.

Léon est en classe de CE2 à l’école primaire publique d’Atokolibé, dans la commune de Bantè. Avec ses attèles et chaussures aux pieds, il parcourt tous les matins environ 2 km pour atteindre l’école de son village.   Agé de presque 13 ans, Léon a les deux pieds bots – une déformation des chevilles et des plantes des pieds vers l’intérieur  et vers le bas – depuis sa naissance. Cette déficience, au cours son développement physique de l’enfant, a entrainé de nombreuses limitations fonctionnelles dans l’accomplissement des tâches liées à son âge et à son environnement : se tenir debout, marcher et courir, jouer,  participer à la vie familiale… Cependant, sa maman l’a inscrit à l’école, mais Léon ne pouvait évoluer normalement à causes de ses absences trop fréquentes au cours dues aux difficultés de pouvoir se déplacer et de longs séjours à l’hôpital très loin du village. Malgré son retard scolaire, le petit Léon  ambitionne de devenir médecin pour soigner les enfants ou bien instituteur pour leur enseigner ses savoirs.

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Comme Léon, des centaines d’enfant en situation de handicap divers toquent aux portes de l’école tous les ans, afin de jouir de leur droit à l’éducation. Certains ont la chance d’y être admis, d’autres pas. La Convention des Nations Unies relatives aux Droits des Personnes handicapées (2006) ainsi que la Convention Internationale des droits de l’enfant (1989) consacrent le droit des enfants à une éducation de qualité, inclusive et adaptées. Ces deux conventions ont été respectivement ratifiées par l’Etat béninois. Il y a aussi la Déclaration de Slamanque (1994) sur laquelle s’aligne le pays. Cette déclaration insiste sur la nécessité de concevoir des systèmes éducatifs ainsi que des programmes qui tiennent compte des caractéristiques propres à chaque enfant, ces systèmes pédagogiques devant être focalisés sur les besoins de chacun d’eux. En outre, l’Objectif de développement durable 4 (ODD 4) de l’Agenda 2030 affiche clairement l’ambition et l’engagement des Etats signataires – (dont le Bénin) – d’ « assurer une éducation inclusive et équitable de qualité et à promouvoir des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie pour tous » d’ici 2030.

Sur le plan national, on peut aussi relever :

  • le Plan sectoriel de l’éducation post 2015 présentent l’éducation inclusive comme un « processus visant à accroître la participation et réduire l’exclusion. Ceci en répondant efficacement aux différents besoins de tous les apprenants. Elle prend en compte les besoins individuels en matière d’enseignement et d’apprentissage de tous les enfants et jeunes gens en situation de marginalisation et de vulnérabilité. Il s’agit enfants de la rue, filles, groupes d’enfants appartenant à des minorités ethniques, enfants issus de familles démunies financièrement, enfants issus de familles nomades/ réfugiées/ déplacées, enfants vivant avec le VIH /SIDA et enfants handicapés. L’éducation inclusive a pour but d’assurer à ces enfants, l’égalité des droits et des chances en matière d’éducation ».
  • la loi 2017-06 du 29 septembre 2017 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées en République du Bénin, en ses articles 30 et suivant, qui  affiche l’éducation inclusive comme option faite par l’Etat béninois. Toutefois, la non adoption des décrets d’application de certaines dispositions (y compris des dispositions relatives à l’éducation inclusive) de cette loi constitue un véritable frein selon beaucoup d’acteurs.
  • Le Règlement intérieur des écoles primaires publiques (2018) qui met l’accent sur l’accueil sans discrimination des enfants vivant avec un handicap.

En d’autres termes, une éducation inclusive répond à certaines valeurs comme l’équité et la justice sociale, l’égalité des chances. Ceci à travers une éducation qui s’adresse à tous les élèves, quels que soient leurs besoins et leurs conditions. 

L’Etat des lieux

Dans la pratique, les choses vont plus lentement. Dans le pays, la majeure partie des institutions scolaires accueillant des enfants vivant avec handicap sont des centres spécialisés (internant, externat). Toutefois, quelques écoles publiques sont identifiées comme des partenaires du Projet Education Inclusive de l’organisation Humanité & Inclusion (HI) Bénin, dans les départements de l’Atlantique et du Littoral au sud du pays, et dans les départements du Borgou et de l’Alibori, au nord.  Certains de ces centres spécialisés appartiennent à l’Etat (Parakou, Cotonou, Calavi et Péporiyakou) ; les autres sont  privés et s’ouvrent progressivement à l’intégration scolaire.

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Par ailleurs, quelques écoles publiques accueillent, avec le soutien de certains projets, quelques enfants handicapés.

L’autre constat sur le terrain est la situation géographique des écoles accueillant les enfants handicapés. Pour la plupart, en dehors des écoles impliquées dans le programme Intégration scolaires des Enfants Handicapés – ISEH basé dans le centre du pays,  elles sont dans le sud du pays, obligeant nombre d’enfants de la partie nord à effectuer de long déplacement pour accéder à l’instruction scolaire.

Il faut préciser ici que dans la droite ligne des efforts déployés par l’Etat ces dernières années pour la promotion de l’inclusion scolaire notamment à travers les documents d’orientation au niveau pays, on note une prise de conscience globale progressive des acteurs à divers niveaux (enseignants et autres acteurs gouvernementaux, organisations de la société civile, parents…).  Cette prise de conscience est le fruit de plusieurs années de sensibilisation et de plaidoyer de certaines Organisations d’appuis au développement (HI, GiZ…) avec la contribution d’ONG locales et autres organisations de la société civile (Organisation de Personnes handicapées, Coalition béninoise des organisations pour l’Education pour Tous, etc.). Les actions telles que « Tirer la Sonnette d’alarme » organisée annuellement par le partenaire stratégique de la Fondation Liliane – le Service des Soeurs pour le Promotion Humaines (SSPH) – est un soutien de taille aux initiatives en cours et a surtout contribué à la prise de conscience collective et aussi au niveau local. Cette action mobilise chaque année des centaines d’enfants (vivant avec handicap ou non) et d’acteurs divers afin de rappeler aux décideurs leurs engagements en faveur d’une éducation qui respectent les valeurs universelles de promotion et de qualité, d’équité et de justice sociale.

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Un apprenant lisant l’écriture braille

Encore des obstacles à lever

Cependant certains acteurs décideurs estiment en coulisse que l’éducation inclusive ne peut facilement se réaliser techniquement telle que définie, dans les conditions des ressources du pays. Outre ses doutent, certains facteurs constituant des freins doivent être résolus progressivement :

  • Le manque d’infrastructures et les effectifs pléthoriques dans les salles de classes
  • Le peu ou la non formation des enseignants
  • L’inégale répartition des expériences actuelles sur le territoire national
  • La non adoption des décrets d’application de la loi 2017-06 portant protection et promotion des droits des personnes handicapées
  • La persistance des préjugés socio-culturels et autres résistances populaires
  • la non adoption par l’Etat d’une politique claire et directement applicable en matière d’éducation inclusive. A cette étape, le constat est que l’Etat a affiché sa vision de l’approche (cf ; Plan Sectoriel), sauf que les modalités pratiques de réalisation de cette vision demeurent floues
  • le non engagement de ressources conséquentes
  • la lenteur dans la prise en compte des normes d’accessibilité dans la promotion des infrastructures, etc.

Des initiatives précurseures pour l’intégration scolaire

Au niveau pays, diverses expériences existent et démontrent que l’ambition affichée à travers l’ODD 4 n’est pas utopiques. On peut citer l’école intégratrice Les Hibiscus, le programme ISEH/PASEB, l’approche du CAEIS, le projet Education Inclusive de Humanité & Inclusion qui a permis l’élaboration du premier manuel de formation des enseignants …

L’Intégration Scolaires des Enfants Handicapés dans le Zou

Mise en œuvre dès 2003 avec un financement de la coopération danoise, le volet Intégration Scolaire des Enfants Handicapés (ISEH) du Programme d’Appui au Secteur de l’Education au Bénin (PASEB) a tôt fait de devenir l’innovation en matière d’offre de services d’éducation scolaire dans le secteur public. En effet, ce programme couvre les neufs communes du département du Zou (centre du Bénin) et se focalise sur l’amélioration de la capacité des écoles ordinaires d’accueillir les enfants handicapés (tout handicap confondus) : les activités exécutées dans le cadre de ce volet sont, en grandes lignes :

  • la sensibilisation de toutes les couches sociales concernées (parents, enfants, acteurs communautaires, acteurs et responsables du système scolaire, etc.) ;
  • identification et évaluation des besoins (médicaux, en réadaptation et aides techniques) des enfants  et fournitures des services de soutien nécessaires (soins médicaux et para médicaux, rééducation et appareillage…) et aménagement selon la déficience dans les écoles fréquentées. A cet effet, le programme s’intéresse aux enfants qui n’ont pas encore commencé l’école, à ceux qui ont l’âge de commencer et ceux qui sont déjà dans le système scolaire.
  • renforcement des capacités des enseignants (les types de handicap, la prise en charge en intégration scolaire, l’encadrement des enfants handicapés), y compris la formation en langue des signes au profit des enseignants qui accueillent des enfants handicapés auditifs dans leur classe ;
  • Mise à dispositions des enfants des kits scolaires ;
  • Mise à disposition de certains enfants en ayant besoin, d’enseignant de maison (répétiteurs) afin de les renforcer et de les aider à combler leur retard dans l’acquisition des enseignements ;
  • Mise à disposition de deux enseignants itinérants ayant une formation un peu plus poussée. Ceux-ci apportent leur soutien aux enseignants titulaires de classe également aux enseignants de maison.
  • Mise en place d’un réseau d’agents communautaires (un agent par commune) pour continuer la sensibilisation et faire le suivi des enfants en communauté et en famille. Ces agents sont soit des agents RBC (du programme RBC de l’Etat) rémunéré partiellement par le programme ; soit des agents communautaires rémunérés entièrement par le programme.

Outre les acteurs déjà cités, le montage institutionnel du programme a constitué aussi un pool de formateurs de diverses expériences et expertises pour l’accompagnement et le suivi des enseignants. Ces différents renforcements des capacités ont constitué une base solide pour beaucoup d’enseignants et inspecteurs dont certains ne demandent qu’à poursuivre l’expérience et approfondir leur expertise.  Au total en 2019,

  • 650 enfants vivants avec divers handicaps sont enregistrés dans la base de données du programme ISEH ;
  • Le programme a permis l’exécution d’un module de formation sur l’Education inclusive dans toutes Ecoles normales de formation des Instituteurs (enseignants du primaire) ;
  • Une réplique de l’expérience du programme ISEH serait en cours de conception pour les localités du nord du pays.

Cependant, quelques faiblesses méritent d’être soulignées et sont d’ailleurs reconnus par les acteurs :

  • Comme son nom l’indique, ISEH n’est pas un programme d’inclusion scolaire, mais d’intégration. Pour rappel, le processus d’intégration scolaire ne permet pas véritablement d’améliorer le système éducatif et de l’adapter aux besoins de l’enfant ; il se focalise plutôt sur les capacités de l’enfant à pouvoir rester dans le système en place.
  • Le programme s’intéresse seulement au cycle d’étude primaire (1er degré) et au premier cycle du secondaire (soit jusqu’en 4ème année du secondaire et l’obtention du 1er diplôme du secondaire). Les enfants qui continuent leurs études au-delà de cette borne sont sortis du programme. Ce qui occasionne beaucoup de déperdition scolaires selon le Coordonnateur du programme, car la majorité des enfants étant issus de milieux pauvres défavorisés, ils n’arrivent pas à continuer les études avec leurs propres moyens.
  • L’enseignement maternel (petite enfance ou pré-scolaire) n’est pas pris en compte (comme d’ailleurs presque toutes les initiatives en cours) dans le pays. Ceci aurait pourtant été bien, dans une logique d’identification et d’intervention précoce, afin de mieux préparer certains enfants et d’envisager très tôt les changements nécessaires pour les classes supérieures.
  • Le programme n’a pas pu impulser l’adaptation des outils et matériels pédagogiques majeurs aux besoins des enfants.
  • L’instabilité des enseignants formés, instabilité due aux nécessités du service public (affectation pour diverses raisons)
  • Reste aussi l’épineuse question de l’adoption des approches et méthodes appropriées d’évaluation des connaissances et compétences des enfants en fonction de leur déficience. Le programme n’a pu résoudre entièrement ce problème.

Aperçu sur le rôle des acteurs-clés :

Ministère des Enseignements Maternel et primaire (MEMP)Responsable gouvernemental sectoriel/ assure la tutelle et le financement de l’ISEH
Coordination de l’ISEHAssure la responsabilité exécutive et donc la mise en œuvre des activités
Ecoles spécialiséesMettent à disposition des formateurs/assurent la formation et le suivi technique
Animateurs communautaires (1 /commune)Assurent la sensibilisation des familles et des communautés, suivi des enfants
Enseignants itinérants (2)Soutien technique et pédagogique aux enseignants titulaire de classe et aux répétiteurs (enseignants de maison par endroit)
Divers prestataires de services en santé et en logistiqueFournissent des services spécifiques (kits scolaires…) Consultation et soins divers en santé et en réadaptation (physiothérapie, appareillage, soins généraux…)

Louho, le Centre d’éducation mixte des enfants entendant et non-entendant

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l’école des sourds de Louho, à Porto-Novo

Le Centre d’Accueil, d’Education et d’Intégration des Sourds (CAEIS) de Louho est une initiative entièrement privée. Sa particularité, l’enseignement mixte : le centre accueil dans la même situation de classe des enfants ayant une déficience auditive et les enfants non handicapés (ceux qui entendent). En presque 30 années d’expérience, cette école est devenue un véritable centre ressources non seulement pour l’encadrement des enfants avec déficience auditive mais aussi pour l’enseignement mixte (enfants entendant et non-entendant ensemble). L’école de Louho (appellation populaire) est la seule en Afrique de l’Ouest qui dispose d’une section maternelle où commence l’approche mixte.  Cette école, également la seule de cette partie du continent où les enfants avec déficience auditive ont la possibilité de passer le baccalauréat, accueille en 2021 des enfants venus de 7 pays d’Afrique, selon son directeur, pour jouir de leur droit à une éducation qui tient compte d’eux. Soit 578 enfants sont actuellement (en 2021) présents dans l’établissement, de la maternelle en classe de Terminale.

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L’établissement fonctionne suivant un régime d’internat mais avec un lien fort avec le milieu familial de l’enfant. L’école exécute le programme d’enseignement officiel mais dans l’exécution, le déroulement de la démarche pédagogique s’adapte à la situation des enfants.

  • Tout commence d’abord par la formation des enseignants. L’établissement dispose de son programme de formation (langue des signes et pédagogie) qu’il déroule à tout nouvel enseignant intégrant son effectif (ou tout autre demande extérieure) mais aussi des recyclages pour les enseignants ayant déjà des compétences. Ces séances de renforcement de capacités se déroulent dans les vacances ;
  • Dans le processus d’animation des classes, 3 méthodologies sont utilisées selon le cas :
  •  Les enseignants évoluent en binômes (un enseignant non-entendant et un enseignant entendant). Les deux titulaires de la classe préparent les fiches de cours ensemble et l’exécute ensemble, cette approche a été développée avec l’appui de coopérants belges ;
  • Les enseignants chevronnés (avec au moins 10 ans d’expérience dans l’enseignement mixte – parlant (voix) et faisant en même temps la langue des signes – tiennent seul leur classe.
  • Dans le secondaire (collège et lycées), chacun des professeurs (ici chaque discipline ayant un enseignant) est assisté par un interprète dédié à chaque classe et a aussi reçu une formation en la matière.

Ces trois systèmes de tenue de classe s’appuient sur un ensemble d’outils et de matériels pédagogiques centrés sur l’apprentissage visuel, approprié pour l’encadrement des enfants avec déficience auditive. On peut citer, entre autres : des boites à images, des projections visuelles avec le matériel approprié (film) avec description faite par l’enseignant, des exercices d’observation et d’application, etc.

  • L’établissement a également instauré des séances de renforcement (Travaux dirigés) tous les soirs. Au cours de ces séances généralement conduites par un enseignant autre que le titulaire de classe, un système de soutien par les pairs est utilisé : l’enfant ayant le mieux compris travaille avec celui qui a le moins compris. Avec ce système, généralement c’est l’enfant non handicapé (entendant) qui explique à l’enfant avec déficience auditive. Ce qui renforce l’apprentissage mutuel des différences.

Pour le suivi de ces anciens élèves qui ont eu le baccalauréat, l’établissement a noué un partenariat avec l’Université d’Abomey, la principale université du pays, qui avec le temps a du recruter quelques interprètes pour fournir un appui aux étudiants avec déficience auditive.

A l’issue de l’année scolaire 2020-2021, 33 enfants (dont 11 enfants handicapés auditifs) ont été présenté à l’examen de fin d’étude primaire, 31 ont réussi (dont 10 enfants handicapés auditifs ; pour l’examen du brevet d’études du premier cycle secondaire, ce sont 43 enfants (dont 13 avec déficience auditive) qui ont réussi sur 48 présentés (dont 17 avec déficience auditive)

Par ailleurs pour les enfants qui présentent de grandes difficultés à évoluer dans le système scolaire formel, l’établissement a mis en place un système d’orientation qui tient compte de la volonté et des capacités affichés par l’apprenant ; ainsi que des ateliers de formations vocationnelles pour les accueillir avec la même philosophie pédagogique que dans les salles de classe.

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En soutien à l’ensemble du système, le CAEIS a initié (de façon périodique) des séances de formation en langue des signes avec des supports audiovisuels et des plaquettes sur les signes au profit des parents. Une pratique qui fait qu’aujourd’hui le quartier d’implantation de l’école est considéré par certains comme ‘’le quartier latin de la langue des signes’’ car dans beaucoup de maison aux alentours, les gens pratiquent la langue des signes. Cela a aussi un impact positif sur l’inclusion sociale des enfants quand ils retournent en famille. Mais le chemin reste encore long pour y parvenir véritablement.

Cependant, on peut également relever certaines faiblesses :

  • Les charges d’exploitation de tout le système mise en place pèsent de plus en plus lourd sur l’établissement étant entendu que tous les parents qui envoient leurs enfant dans ce centre sous-régional sont relativement pauvres et ne paient pas les vrais coûts des services fournis ;
  • Le régime d’internet coûte cher et face l’arrivée massive d’enfants de toutes les régions du Bénin (parfois à plus 650 kilomètres) et d’autres pays de la sous-région, il serait difficile d’envisager un régime ouvert ;
  • L’établissement se heurte également à l’épineuse question de la prise en compte des besoins particuliers des enfants dans le système d’évaluation au niveau national des connaissances et des compétences au cours des examens. Si le directeur affirme que pour l’examen de fin d’étude primaire et celui de fin d’études du premier cycle du secondaire (BEPC) la situation change progressivement, l’examen du baccalauréat continue d’être un casse-tête pour les jeunes et les responsables de l’établissement. Un groupe d’enseignants certifiés de philosophie ayant compris l’enjeu se serait constitué volontairement cette année pour contribuer au plaidoyer auprès des responsables du service ministériel dévolu à cet examen.

Education Inclusive au Bénin : Action pilote pour provoquer le déclic

Initié en 2015 et renouvelé en 2018, le Projet Education Inclusive Mise en œuvre par l’organisation international Humanité & Inclusion (HI) entend faciliter l’insertion des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire à travers un soutien tant aux centres spécialisés qu’aux écoles ordinaires. Le projet couvre une zone pilote de quatre départements (Borgou, Alibori, Atlantique et Littoral) qui est la zone d’intervention habituelle de Humanité & Inclusion (HI).

Des activités et des formations…

Les principales activités développées dans le cadre de ce projets sont notamment :

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  • Le plaidoyer pour la prise en compte des enfants handicapés dans les politiques éducatives du pays,
  • L’organisation des consultations des enfants handicapés vers des prestataires de soins,
  • La sensibilisation et la formation,
  • L’élaboration d’un Manuel de sensibilisation et d’un Manuel de formation sur la pédagogie inclusive.

En ce qui concerne les formations développées au profit des acteurs scolaires, elles font focus sur, notamment : La compréhension du handicap et des différentes déficiences – le concept de l’éducation inclusive et les cibles – le cadre juridique – la différenciation pédagogique – la participation et la collaboration entre apprenants – les méthodes d’évaluation – l’organisation des examens – le projet éducatif individuel – les jeux de rôle et des exercices – l’adaptation du matériel et outils pédagogiques…

En outre, Humanité & Inclusion a mis à la disposition de quelques écoles pilotes ciblées du matériel adapté ainsi que la formation à l’utilisation dudit matériel. Des mesures d’accessibilité physique ont également été réalisées selon le cas dans les écoles concernées. Il est également prévu dans le cadre du projet, l’organisation d’ateliers de fabrication et d’adaptation d’outils à partir de matériaux locaux ; ainsi qu’un jeu concours pour stimuler les écoles à améliorer leur prestations.

… pour des résultats qui attisent l’espoir

Au total 62 écoles (publiques et privées) sont impliquées dans cette initiative et environ 168 enseignants sont formés sur la pédagogie inclusive. L’autre acquis de l’expérience est l’élaboration et la mise à disposition d’un manuel de formation des acteurs ainsi que d’un guide de sensibilisation sur l’éducation inclusive.

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Sur le long terme, les leçons apprises à travers cette expérience permettront d’influer sur le curriculum de formation des futurs enseignants du primaire dans les Ecoles normales d’Instituteurs.

Le Montage institutionnel et la Pérennité

La stratégie de la pérennité de l’expérience repose d’abord sur la mobilisation des acteurs publics dès le départ, aux côtés des acteurs de la société civile. Chacun ayant des rôles bien définis :

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Ministère des Enseignements Maternel et Primaire (MEMP)Responsable sectoriel gouvernemental
Institut National de Formation de Recherche en Education (INFRE)Structure publique de recherche et de formation en éducation Il est chargé de la conception et la mise en œuvre technique des trajets de formation
Direction départementale des Enseignements maternel et Primaire (DDEMP)Structure déconcentrée du MEMP Elle est chargée de la supervision
Chef des Régions Pédagogique (C/RP) + Conseillers Pédagogiques (CP)Les Régions pédagogiques (RP) sont des Structures publiques régionales de suivi et d’appui technique aux écoles Ici les C/RP (inspecteurs de l’enseignement du 1er degré) et les CP constituent le Pool de formateurs. Ils ont été renforcés à cet effet.
Humanité & InclusionAppui technique et financier/Coordination/Facilitateur
Ecoles partenairesAccueil et encadrement des enfants
Acteurs de la société civiles et Ecoles spécialisées (Colombe Les Hibiscus, Cercle des Oliviers, SSPH/OCPSP, Coalition Béninoise des Organisations pour l’Education Pour Tous [CBO-EPT]…)Les écoles spécialisées d’inclusion scolaire comme Les Hibiscus et Cercle des Oliviers constituent des centres ressources. Elles fournissent de l’appui technique. Les autres acteurs fournissent de l’appui technique et une contribution financière selon le cas.
Ecoliers/Accueil et soutien par les pairs

Malgré ce dispositif, certains défis majeurs demeurent, selon les acteurs du projet eux-mêmes. On peut relever :

  • La transformation de la mentalité de bénéficiaire. Par exemple, nombre d’acteurs, notamment des parents, continuent de croire que le projet doit tout prendre en charge.
  • Le manque de fédération des énergies, illustré par la dispersion des actions et des ressources institutionnelles
  • Le manque de coordination des interventions.

Fiche de conseil pour la mise en œuvre de l’éducation inclusive

(Résumé d’un entretien réalisé avec le Docteur Maurice BATAKOU, professeur des Ecoles Normales d’Instituteur/expert en Education Inclusive, Togo)

La vision de l’approche d’Education inclusive part du postulat que tout être humain peut apprendre.  Ainsi, l’Education Inclusive vise la réussite scolaire et professionnelle de Tous les enfants (tout apprenant).  Pour réaliser cette vision, il est nécessaire d’avoir une approche pédagogique : la différenciation pédagogique qui tient compte de la diversité de tous les apprenants dans les classes. Cette différenciation pédagogique peut présenter différentes variances comme l’approche par compétence, la méthode active, l’inversion pédagogique, pour ne citer celles-là.

Comprise ainsi, l’Education inclusive ne vise pas exclusivement les enfants handicapés, mais tous les enfants considérés chacun comme unique dans ses besoins d’apprentissage.

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Que faut-il pour qu’une école ou un système éducatif soit considéré comme inclusif (normes standards)

  1. Politique éducative claire précisant la priorité de l’Etat[1] ;
  2. Lois et règlements ;
  3. Mise en place d’infrastructures accessibles. Il s’agit ici de l’accès physique sous toutes ces formes (bâtiments, toilettes et autres infrastructures, tableau, luminosité, etc.) ;
  4. Accessibilité liée à l’information et la communication. Encore considérée comme l’accessibilité pédagogique ou encore l’adaptation des outils et matériels pédagogiques, l’accessibilité liée à l’information à la communication tiendra compte de l’adaptation (selon la déficience et l’incapacité) du matériel utilisé en classe (matériel informatique, table-banc et leur disposition en classe, livre, cahier, système d’écriture, cartes, globe, autres matériels), des outils (fiche de cours, méthode d’enseignement, projet éducatif, le positionnement de l’enfant en classe, l’effectif des enfants, les combinaisons ou associations possibles entre enfant, etc. ) ainsi que du système d’évaluation en place ;
  5.  Accessibilité liée à la mobilité et au transport ;
  6. Renforcement du lien école-parents et école-communauté qui permettra l’édification d’un système de valeurs et une culture de l’inclusion (renforcement de la conscience globale et amélioration des attitudes)

Education inclusive veut-elle dire tous les enfants handicapés dans les classes ordinaires ?

Dans la pratique, il vaut mieux être prudent en tenant compte de certaines spécificités liées à certaines déficiences et ainsi faciliter la charge de l’enseignant. Voici quelques exigences à respecter pour une bonne réussite de l’approche, celles-ci ne sont pas exhaustives :

  • Limiter l’effectif des enfants dans la classe
  • Faire attention aux combinaisons possibles entre types de déficience dans la classe. Les combinaisons les plus faciles à gérer sont, par exemple: handicap visuel+ handicap moteur ou handicap auditif+ handicap moteur ou encore handicap intellectuel + handicap moteur[1].  Toutes autres combinaisons (par exemple visuel + auditif, visuel/auditif + intellectuel, etc.) compliquerait la tâche de l’enseignant ;
  • Mettre en place un système d’accompagnement aux enseignants.

L’école inclusive vient ainsi remplacer l’école spécialisée ?

Non. L’éducation inclusive ne vient pas remplacer l’éducation spécialisée. Les écoles spécialisées continueront d’accueillir les enfants dont la déficience ou le handicap est plus sévère (lourd). En plus de cela, les centres spécialisés – disposant de l’expertise chacune sur une déficience spécifique – contribuent au renforcement des capacités des acteurs des écoles inclusives. 

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 Par Bernard HOUEHOUNDE


[1] CIDE, art 23, 28 & 29 et CDPH, art 24

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[2] Promouvoir l’Education : Etapes vers l’éducation inclusive mondiale pour les personnes handicapées, Fondation Liliane, 2017

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